mardi 11 novembre 2014

Harcèlement




    En cas de harcèlement sexuel, pour voir ses droits reconnus, mieux vaut travailler dans le privé que dans le public. C'est ce qui ressort d'un article (1) publié dans La Gazette, intitulé "Le juge administratif face au harcèlement sexuel". En effet, "alors que le juge judiciaire considère de longue date que des faits de harcèlement sexuel doivent systématiquement donner lieu à un licenciement pour faute grave", le juge administratif, lui, se permettait encore de réfléchir à la question de savoir si la durée, l'intensité du harcèlement, voire le comportement de la personne harcelée, ne pourraient pas être des facteurs atténuants. De fait, la révocation (l'équivalent du licenciement) pour harcèlement sexuel est extrêmement rare. Exemple : "La cour administrative d'appel de Douai a jugé qu'un chef d'équipe s'étant permis des propos et gestes déplacés tels que des mains sur les hanches et sur les fesses sur plusieurs agents de sexe féminin placés sous son autorité (et ce, sur une période de plus de dix ans concernant l'une d'elles) avait eu un comportement de nature à justifier d'une sanction disciplinaire, mais sans qu'il puisse être qualifié de harcèlement sexuel". Heureusement, le Conseil d'Etat remit les choses en ordre par la suite. Mais, les auteurs soulignent que l'analyse de la jurisprudence sur ce thème montre que les juges administratifs estiment  souvent que la révocation est une "sanction disproportionnée" pour de tels agissements ! Notons qu'il s'agit là de cas connus publiquement du fait d'une contestation de la sanction. Il serait sans doute intéressant de connaître les sanctions décidées au niveau des Conseils de discipline pour ces faits.
   Avec les auteurs de cet article, espérons que "le nouveau cadre juridique fixé par la loi du 6 août 2012 (permette) enfin une salutaire harmonisation avec la jurisprudence judiciaire" (2). Ce qui semble devoir être le cas puisque, récemment, "le Conseil d’Etat a décidé qu’un agent peut être disciplinairement sanctionné pour des faits de harcèlement sexuel, alors même que ces faits auraient été commis avant que la loi du 6 août 2012 définissant le harcèlement sexuel dans la fonction publique n’entre en vigueur" (3).


(1) Lorène CARRERE et Marjorie ABBAL, "Le juge administratif face au harcèlement sexuel", La Gazette, 27 octobre 2014.
(2) voir aussi la circulaire n°SE1 du 4 mars 2014 : cliquer ici
(3) sartorio.fr

vendredi 17 octobre 2014

Les collectivités au centre du débat










Il vaudrait mieux parfois ne pas écouter la radio, ni regarder la télévision.

Ces derniers jours, la fonction publique territoriale (FPT) était au centre des critiques, accusée d'être la cause des déficits, de dépenser à tort et à travers... La solution toute trouvée étant, bien entendu, de réduire le nombre de fonctionnaires et de limiter les investissements. Lorsque j'écoute ces personnes, dont certaines sont de "hauts" fonctionnaires, je perçois rapidement qu'elles ne savent absolument pas de quoi est fait concrètement le quotidien d'une collectivité locale (surtout des petites collectivités). Les propos restent généraux et les solutions, vaguement réalistes, tenant plus de l'incantation que d'une réelle réflexion. Si l'on accepte le fait de réduire le nombre de fonctionnaires (pourquoi pas), il faut d'abord, et avant toute chose, mettre en place les conditions propices à cette réduction. Autrement dit, faire en sorte que le travail demandé puisse être fait avec moins de personnel, sans considérer à priori que le travail actuel est fait en sureffectif. Mais cette idée -globalement fausse- est tellement ancrée chez certains qu'elle constitue le socle de toute leur réflexion. Et lorsque l'on part d'une idée fausse, on arrive rarement aux bonnes solutions.Il y a certainement des collectivités où le sureffectif est réel. Il faudrait s'interroger sur ce qui a conduit à cette situation : clientélisme ou mauvaise gestion des effectifs, et bien d'autres causes certainement, dont certaines seraient légitimes et d'autres non. Même si une rationalisation des procédures, doublée d'une mutualisation des ressources humaines et techniques, accompagnée par une révolution technologique, permet de réduire de manière sensible le nombre de personnes nécessaires à l'exécution d'un travail, elle ne permet pas pour autant de réduire le nombre de personnes travaillant dans la collectivité, en tous cas pas au même rythme et pas de manière soudaine. C'est donc un long travail de gestion prévisionnelle des effectifs qui doit débuter. Avec une condition de base : la stabilité des périmètres de compétences des collectivités et des niveaux géographiques sur lesquels celles-ci s'exercent.
Le débat sur le rôle des collectivités locales, et donc sur l'avenir de ceux qui y travaillent, mérite mieux que ces postures et pensées toutes faites.

dimanche 1 juin 2014

De la médiocrité d'Aladin à l'absurde combat électoral, le monde selon E. Jünger.










"L'Etat universel a volé en éclats ainsi que l'avait prédit Boutefeu. Il en est resté des Etats de diadoques et des cités-Etats d'épigones. Le XIXè siècle de l'ère chrétienne avait proclamé l'idée force de la croissance permanente et, qui plus est, qualitative : au XXè siècle, l'homo faber semblait la réaliser. Puis de nouvelles divergences surgirent d'une fracture du progrès : on peut les définir, en gros, comme la querelle entre les économistes et les écologistes. Les premiers pensaient encore selon les catégories de l'histoire mondiale, les seconds selon l'histoire de la Terre ; les uns voulaient répartir, les autres gérer ; des conflits éclatèrent entre l'environnement humain (Mitwelt) et l'environnement naturel (Umwelt), aggravés par l'atmosphère de fin de monde qui revient chaque fois que s'achève un millénaire" (1).

"Nous nous trouvons dans une situation où nous disposons d'une puissance formidable. Nous n'arrêtons pas de soutirer des choses à la terre : que ce soit du pétrole, de l'uranium, etc. Notre situation ressemble à celle d'Aladin. C'est une jeune homme à qui un magicien a mis un instrument en main, une lampe merveilleuse qui dispose d'une énorme puissance. Il lui suffit de la frotter pour qu'apparaisse un puissant génie qui lui procure ce qu'il veut. Il peut passer commande d'un harem ou faire construire des palais en une nuit. Nous en sommes également capables. La lampe d'Aladin est en terre cuite ou en cuivre. Et la nôtre aussi vient de la terre, mais elle est en uranium. Si nous la frottons, nous n'obtenons pas de la lumière, nous obtenons plus que de la lumière : des forces monstrueuses. Et qu'est-ce qu'Aladin tire de sa lampe ? Il se fait construire des palais, il fait tout ce qui correspond à une imagination d'enfant. C'est d'ailleurs là que réside le charme de conte. Mais il mène finalement une vie médiocre, telle qu'en rêve tout homme médiocre : il mène la vie d'un petit despote [...]. Le parallèle me semble riche de prolongements, car nous sommes exactement dans la même situation. Des énergies monstrueuses viennent  à nous, et qu'en faisons-nous ? Au lieu d'édifier un monde magnifique où se réaliseraient de grandes utopies, où, par exemple, plus personne n'aurait besoin de travailler, nous n'y pensons même pas, nous utilisons notre lampe à entasser des stocks de bombes atomiques" (2).

"A l'occasion de l'absurde combat électoral de ces derniers jours, il me saute aux yeux que les partis commencent à se ressembler de telle façon qu'il leur devient toujours plus difficile de se distinguer les uns des autres de manière crédible. Tous veulent "la démocratie, la stabilité, le progrès" (deux termes incompatibles) ; tous veulent être "de gauche", avec des nuances minimes. Cette uniformisation correspond à celle de l'Est et de l'Ouest ; les Russes et Américains se ressemblent de plus en plus. Tous utilisent les mêmes injures, avec une prédilection pour "fasciste". On se sert toujours du même balai pour nettoyer l'aire. Elle sera bientôt vide" (3).

(1) Jünger Ernst, Eumeswil, Paris, La Table ronde, 1978
(2) Hervier Julien, Entretiens avec Ernst Jünger, Paris, Gallimard, 1986
(3) Jünger Ernst, Correspondance Schmitt

in Julien Hervier, Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle, Paris, Fayard, 2014.




dimanche 30 mars 2014

Recrutements entre amis







Toute ressemblance avec des faits existants ne serait que pure coïncidence.
Bien sûr.

"Ainsi, pour les recrutements, les attitudes non-rationnelles et traditionnelles sont encore présentes même dans les plus grandes villes. La recherche de la compétence maximale n'est pas la règle ultime, altérée qu'elle est par les logiques clientélistes personnelles ou partisanes, la rémission de la souveraineté (choix délégué à une autorité extérieure) ou les choix politiques. Les règlements ont encore de nombreuses zones obscures qui recèlent aussi bien des espaces de non-droit que de passe-droit, et les chaînes de commandement peuvent être mises à mal par les liens personnels qui unissent un maire et des chefs de service ou un secrétaire général et des élus. Il demeure au sein de l'administration en voie de rationalisation de larges espaces où s'exercent des modes de domination traditionnels et charismatiques, dominés par la figure du maire : l'organisation municipale reste étroitement liée au gouvernement municipal, tout comme l'administration relève avant tout du pouvoir des élus municipaux".1


Pour limiter ces pratiques, l'Etat a tenté de rationaliser le recrutement : d'où une inflation de "textes contraignants, lois ou règlements administratifs"2. Aujourd'hui, la plupart du temps, cette rationalisation existe (lutte contre les discriminations, pratique des concours...), mais la lourdeur des textes subsiste.


1. B. Dumons, G. Pollet, P.-Y. Saunier, Les élites municipales sous la IIIème République -des villes du Sud-Est de la France, Coll. CNRS Plus, Paris, CNRS Editions, 1987, p. 1991
2. p. 192

mercredi 12 mars 2014

Le travail le dimanche, une question de droit ?

 www.photo-libre.fr



"Le repos dominical constitue (...) une magnifique question pour un juriste : le droit est certes une technique d'organisation de la société (rouler à droite, s'arrêter au feu rouge) mais d'abord un système de valeurs, à fort effet symbolique. C'est avant tout la famille -y compris décomposée avec la garde alternée, mais aussi recomposée- qui en fait les frais. Point n'est alors besoin de pleurnicher sur le délitement des liens familiaux si le droit n'essaie pas de maintenir un minimum de concordance des temps pour éviter que maman qui travaille le samedi -parfois en nocturne- ne croise papa qui travaille le dimanche. Mais aussi toute vie collective : qu'il s'agisse de sports collectifs (si le goal de l'association de football n'est pas dans les buts le dimanche matin...), de vie associative ou tout simplement amicale.
Le droit étant porteur de symboles, le principe d'interdiction doit être maintenu. Malgré la joyeuse expédition familiale que représente "Un dimanche à Ikea", sommes-nous seulement des consommateurs obsédés par ces "lieux de vie" que seraient les centres commerciaux ? Pouvons-nous condamner "le délitement du lien social" mais tuer symboliquement le seul jour consacré aux retrouvailles ? Un jour collectif d'actes gratuits constitue une mesure de synchronie et d'hygiène sociale indispensable."

Jean-Emmanuel Ray, "Travail dominical, liberté individuelle et concordance des temps", Liaisons sociales n°146, novembre 2013, p.66-67.

samedi 18 janvier 2014

Tuteur et génération Y

A lire

tuteur en entreprise et génération Y

Bien recruter, mais aussi bien intégrer.

La chatte et Aphrodite









"Une chatte, s'étant éprise d'un beau jeune homme, pria Aphrodite de la métamorphoser en femme. La déesse prenant en pitié sa passion, la changea en une gracieuse jeune fille ; et alors le jeune homme l'ayant vue s'en amouracha et l'emmena dans sa maison. Comme ils reposaient dans la chambre nuptiale, Aphrodite, voulant savoir si, en changeant de corps, la chatte avait aussi changé de caractère, lâcha une souris au milieu de la chambre. La chatte, oubliant sa condition présente, se leva du lit et poursuivit la souris pour la croquer. Alors la déesse indignée contre elle la remit dans son premier état.

Pareillement, les hommes naturellement méchants ont beau changer d'état, ils ne changent point de caractère"

Esope (VIème siècle av.J.C.)