dimanche 15 décembre 2013

Des chiffres et des hommes

Les chiffres cachent la seule réalité qui vaille, celle des hommes.

Octobre 2013 :
- 0.6% des chômeurs de catégorie A, soit environ 20 000 chômeurs en moins ;
+ 3.7% pour la catégorie B ;
+ 4% pour la catégorie C ;

au final une hausse de 0.8%, soit 40 000 personnes.

Notons aussi le nombre des radiations : 52 600 sur le mois d'octobre (40 000  en septembre 2013)


lundi 25 novembre 2013

Tisser un manteau pour le peuple









Le Commissaire - Comment donc serez-vous capables d'apaiser tant de désordre dans le pays et d'y mettre fin ?
[...]
Lysistrata - D'abord il faudrait, comme on fait pour la laine brute lavée dans un bain, après avoir enlevé le suint de la cité, sur un lit, à coups de triques, éliminer les méchants et trier les poils durs ; ceux qui s'agglomèrent et font touffes pour arriver aux charges, ceux-là les séparer à la cardeuse et arracher les têtes une à une ; puis réunir dans une corbeille la bonne volonté commune et générale, en mêlant et les métèques et, à l'étranger, ceux qui nous sont amis, et les débiteurs du trésor, les y mêler aussi. Et, par Zeus, quant aux villes peuplées de colons de ce pays, il faudrait reconnaître que ce sont pour nous comme autant de brins de laine tombés par terre, chacun de leur côté ; puis en prenant à toutes leur fil, l'amener ici, le réunir en une seule masse, en une grosse pelote, et avec celle-ci alors tisser un manteau pour le peuple.

Aristophane, Lysistrata, 565-586.

mercredi 21 août 2013

Entreprise "musicale"


      






      Lorsque les médias ou les consultants évoquent ce qui doit amener l’entreprise sur le chemin de la réussite, la métaphore sportive est  souvent de rigueur : esprit d’équipe, volonté de vaincre, adaptation… La virilité, l’image positive du sportif et/ou la célébrité des meilleurs contribuent sans aucun doute à ce succès. Pourtant, il me semble que si celle-ci a sa pertinence, la métaphore musicale a plus de valeur. C’est en tout cas l’idée qui s’est imposée après avoir assisté à un excellent concert du groupe Jim Murple Memorial, vendredi dernier.
      Plus de quinze années d’existence et une envie chaque fois renouvelée de faire partager l’amour de styles musicaux qu’ils ont su s’approprier pour les adapter à leurs envies. Un groupe rôdé mais dégageant une grande sincérité, sûr de lui-même sans ostentation. Des musiciens performants, visiblement enchantés de jouer devant un public qui n’était certes pas celui du Stade de France, mais prêt à la découverte. Un concert sans temps mort, où les morceaux s’enchaînaient naturellement, alternant des rythmes toujours entraînants. Un leader, sans doute « charismatique » (comme il est de coutume de dire), ne s’imposant pas aux autres sur scène. Des musiciens excellant dans leurs instruments respectifs, pouvant se mettre en avant lors de solos toujours réussis, puis se fondant à nouveau dans le collectif, chacun au service des autres. Une chanteuse assurant la relation avec le public, expliquant les morceaux joués, mettant en valeur les musiciens. Bref, un vrai moment de bonheur musical grâce à une équipe de professionnels au service de leur art et du public.
      Longévité (légitimité), originalité puisée dans la tradition, respect des valeurs d’origine n’empêchant pas l’innovation, personnel performant, seul et en groupe, leader sachant s’effacer pour faire briller le collectif, communication permanente avec le public…. N’aurions-nous pas là une belle description de ce que pourrait (devrait) être une entreprise ?

mercredi 19 juin 2013

En attendant le Père Noël...









900, 600, 300…au-delà de la litanie des données brutes, il faut percevoir les répercussions sur la vie des femmes et des hommes. Ces chiffres, ce sont ceux des licenciements annoncés respectivement chez Virgin, à la FNAC (quelques jours avant son introduction en bourse) et chez Chapitre.com. Serait-ce la lente agonie de ce qui s’appela le commerce culturel, surgeon de notre exception culturelle tant admirée (nous disait-on) ? Avec des causes désormais bien connues : de moins en moins de lecteurs (la faute à la télévision, à internet…) ; un téléchargement culturellement ancré et massif que ni Hadopi, ni l’essor des offres payantes n’ont réellement stoppé ; des loyers de centre-ville trop élevés ; des centre-villes de moins en moins accessibles aux automobilistes (les acheteurs de Province se déplacent beaucoup en voiture, « bon gré mal gré »)… Bien sûr, cela est (aussi) la vérité, une vérité, mais qui ne saurait à elle seule masquer des erreurs de stratégie que ces enseignes paient « cash » aujourd’hui. Car, dans le même temps, Cultura et Leclerc (espaces culturels) poursuivent, eux, leur expansion, selon un modèle clairement différent, et de petites librairies spécialisées résistent dans les grandes agglomérations.
        Les Ressources humaines sont sur le pont, à la manœuvre pour licencier et recruter, plus souvent pour licencier que pour recruter ces temps-ci. Nous savons bien que le solde embauche/licenciement sera de toutes les manières très déficitaire. La formation, mot aux vertus quasi-magiques pour certains, devrait permettre  d’atténuer le choc. « Devrait » seulement, tant il est vrai que le secteur du commerce culturel ne brille pas par son dynamisme et son sens de l’innovation en la matière. De plus, l’accompagnement personnalisé coûte cher, prend du temps et nécessite que la personne soit psychologiquement prête à bâtir un nouveau projet professionnel, ce qui est rarement le cas lors d’un licenciement. Enfin, le climat économique français ne dispose guère à l’aventure. 

      Qu’il semble loin ce mois merveilleux de décembre qui verra, promis, la courbe du chômage s’inverser.

lundi 3 juin 2013

Au travail...

Les lecteurs les plus assidus de ce blog auront certainement constaté un ralentissement prononcé du nombre de posts ces derniers temps. Je les rassure tout de suite : cela ne durera qu'un temps. Le temps de s'adapter à un nouveau rythme de vie du fait d'un nouveau travail.

A bientôt...

mardi 26 mars 2013

Le manager traducteur









Jour d'entretien. Parcours personnel, expériences professionnelles... et cette question : "Pour vous, c'est quoi manager ?".

Bien sûr, il y a de multiples façons d'y répondre (voir certains posts précédents), mais la lecture récente d'un article, intitulé "Le rôle de traduction du manager -entre allégeance et résistance" (1), fournit une base de réflexion intéressante.
Être un manager, c'est intégrer une réalité complexe, variant d'une organisation à l'autre, où les qualités demandées aujourd'hui pourront paraître désuètes demain. A ce propos, les auteurs rappellent fort justement la formule de Watson et Harris : "l'opacité sociale du management". Nous pourrions y ajouter le célèbre "Encadrer, un métier impossible" (Mispelblom Beyer F.). "Entre acteur autonome et courroie de transmission, la conception que se font les acteurs et que diffuse la hiérarchie du rôle des managers dans l'organisation n'est pas stable" (p 72). L'ambigüité du positionnement du manager masque aussi, parfois, l'incapacité de la hiérarchie à trancher la question de son rôle au sein de l'entreprise. "Force de proposition", certes, mais pour qui ? Pour ses collaborateurs seulement ? Ou aussi pour sa hiérarchie, avec l'assurance d'être écouté ? Avec quelle latitude d'action et de décision envers les "parties prenantes" ? "Les managers intermédiaires interprètent et font exister (la) stratégie, contribuent à la construire dans leurs conversations et leurs interactions. Ils créent du sens (sensemaking) et le communiquent à leur entourage (sensegiving)" (p75). Les managers sont les plus exposés aux fameuses "injonctions paradoxales", supportant la pression des objectifs ou des demandes des collaborateurs (et parfois des non-dits de la stratégie mise en place). Face à cette situation, comment réagit le manager ?
C'est ici qu'intervient le concept du "manager traducteur", après un petit détour par la Théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud. Selon cet auteur, une organisation est en mutation permanente, se "dé" et "re" construisant au fil des événements. "Cette construction repose sur la régulation conjointe, processus collectif de production et de transformation des règles qui prend en compte la régulation de contrôle émanant des autorités supérieures et la régulation autonome produite par les exécutants, le groupe se fixant lui-même un certain nombre de règles" (p 76). Le manager est le pivot de cette régulation. Dès lors, la traduction "consiste à articuler des logiques contradictoires, à leur donner du sens, à les intégrer au sein d'un cap flexible et évolutif en fonction des pressions subies et des ressources développées pour résister à ces pressions" (p 77). 3 processus sont alors à l'oeuvre :
- le processus interpersonnel, destiné à favoriser un partage affectif et cognitif, et dans  lequel "traduire c'est protéger les subordonnés des pressions qui viennent de la hiérarchie ou des clients" (p 80) ;
- le processus organisationnel, où le manager met en place une stratégie de résistance aux attentes des subordonnés et de la hiérarchie afin de garder une marge de manoeuvre ;
- le processus stratégique et symbolique, par lequel le manager construit du sens et le "met en scène" afin d'emporter l'adhésion.
A travers ces trois processus, chacun peut voir des écueils émerger. Tout d'abord, la structure organisationnelle ne permet pas toujours la mise en oeuvre de ces espaces d'autonomie. La culture de l'entreprise est de ce point de vue essentielle. Ensuite, si la capacité à "gérer son stress" est souvent demandée, celle consistant "à savoir prendre du recul", lors de situations complexes, semble moins valorisée. Elle est pourtant tout aussi importante.Enfin, "manager" serait donc tenir un rôle, et "le manager" serait par conséquent un acteur. Ce qui peut, dans des contextes de crise, amener doucement à la manipulation et heurter "l'idéal de transparence" (p 82) si souvent revendiqué.
Finalement, "le rôle du traducteur paraît être un rôle que les managers développent au fur et à mesure qu'ils accroissent leur expérience, leur compréhension des rouages de l'organisation" (p 83). Le manager doit donc durer et endurer pour parvenir à un niveau satisfaisant de compétences. De la même façon, "au vu de ces analyses, il semblerait que la capacité des organisations à accepter les éléments de résistance soit un facteur d'efficacité organisationnelle" (p 84). L'image de l'entreprise selon laquelle tous les salariés, du directeur à l'employé, iraient dans le même sens, solidaires, ne serait donc pas la bonne. Peut-être, mais comment rendre cette résistance constructive ?

L'idée d'un "manager traducteur" est donc fertile en questionnements (2). Toutefois, si "traduttore, traditore" (3), le manager joue alors sa propre partition, remontant et descendant des informations adaptées à ses propres objectifs (ce qui ne veut pas dire qu'elles sont mauvaises pour l'organisation). De ce fait, la volonté de transparence et d'éthique, mise en avant par nombre d'entreprises, risque d'être sérieusement limitée.



(1) Desmarais C., Abord de Chatillon E, "Le rôle de traduction du manager -entre allégeance et résistance", Revue Française de Gestion, 2010/6, n°205, p71-88.
(2) je reviendrais plus en détail sur la riche théorie de la régulation sociale ultérieurement.
(3) "traduire, c'est trahir" ou "traducteur, traître".

lundi 18 mars 2013

RH, PME & TTP

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Si la crise actuelle fait ressortir de façon dramatique la saignée des emplois dans les grandes entreprises, objet de l'attention des médias, il ne faut cependant pas oublier que 60% environ de l'emploi est dû aux PME-PMI. Or, force est de reconnaître que les mesures prises semblent oublier ce fait, alors même qu'elles aussi subissent durement la crise. Cela est d'autant plus dommageable que les PME, faute de moyens, n'ont  pas toujours anticipé les conséquences de cette crise, ni en terme d'effectifs, ni en terme de mobilité ou d'employabilité : dès lors le licenciement apparait comme étant la seule alternative. Les ressources humaines apparaissent bien souvent comme la dernière pierre, ajoutée à un édifice solidement consolidé avec les fonctions commerciales (ou de production), financières, logistiques... L'argument avancé par les responsables de PME est qu'un RH coûte, sans que le "retour sur investissement" soit visible. Pourtant, comme toute entreprise, la PME ne peut pas négliger cet aspect essentiel. Une solution semble émerger depuis une dizaine d'années, sans s'imposer cependant : le Travail à Temps Partagé pour la fonction RH. "Le TTP renvoie aux nouvelles formes d'organisation du travail, vise à apporter des compétences aux PME, et peut se pratiquer sous plusieurs statuts juridiques"*. En effet, le responsable RH peut partager son temps dans plusieurs entreprises : il peut être multisalarié, être salarié d'un groupement d'employeurs ou bien encore être "porté" (portage salarial). Grâce à ces dispositifs, la souplesse nécessaire aux PME est préservée, tout en leur donnant accès aux compétences qui leur sont nécessaires : formalisation des procédures RH, sécurisation des contrats de travail, suivi des accords de branche, mise en place de formation adaptée, GPEC... C'est aussi un moyen, pour les responsables de PME, de montrer à leurs salariés qu'ils se préoccupent d'eux, et pas seulement dans les périodes difficiles.

* VILETTE Marc-André, "Gérer autrement les RH en PME : convergence en Travail à Temps Partagé et TIC", Management & Avenir, 2008/12, n°16, p 47-65.

lundi 18 février 2013

Ces DRH qu'on abat...

      
  


      En ces temps de crise, de chômage, de PSE... il était sans doute tentant de pointer du doigt un évident bouc-émissaire : le DRH. Jean-François Amadieu, , sociologue, professeur à Paris I (Panthéon Sorbonne), et spécialiste des relations sociales au travail, s'est chargé de la mise au pilori. Son livre, "DRH, le livre noir" (1), se veut une dénonciation argumentée des méthodes des services RH, coupables (ou enclins) à pratiquer la discrimination, le favoritisme, adeptes des sciences ésotériques, laissant espérer d'innombrables et naïfs candidats alors que les jeux seraient faits au détour des couloirs, voire dans un bureau fermé à clef, rideaux tirés, une bougie allumée... La sortie de cet ouvrage a été l'occasion de nombreuses discussions, notamment sur l'honnêteté intellectuelle de l'auteur. Mérite-t-il, en "juste retour", un traitement de défaveur aussi fort ? Y a-t-il quelques idées à examiner attentivement ? Après une lecture non-discriminante (ou presque), voici quelques points de débat qui me paraissent intéressants.

Un des reproches fait de manière récurrente à l'auteur, est d'utiliser des sources anciennes (enquêtes, statistiques...), semblant ne pas tenir compte de la véritable révolution qu'ont connu les méthodes RH depuis une dizaine d'années, notamment pour le recrutement. Même si toutes les entreprises ne sont pas des adeptes du RH 2.0 (ni même tous les cabinets de recrutement, foi de candidat), il est difficile de laisser penser que rien de ce côté-là n'a évolué. Ainsi, l'auteur écrit-il : "A l'évidence, l'embauche n'est pas toujours une compétition à la loyale entre candidats valeureux qui s'efforcent de démontrer leurs compétences à des employeurs faisant jouer une saine concurrence. D'ailleurs, dans 60% des recrutements, une seule candidature est examinée"(p 13). Une seule candidature par poste ! Le candidat "unique" est sans doute le premier arrivé ? Non, ce serait celui qui connaît le recruteur (chef d'entreprise, chef de service...). A l'appui de ses écrits, J.-F. Amadieu cite l'article de Guillemette de Larquier, intitulé "Des entreprises satisfaites de leurs recrutements" (2), article daté de 2009, mais basé sur une enquête de 2005. En fait, en lisant cet article, la compréhension de ce pourcentage peut être affinée : dans 60% des cas, il n'y a qu'une candidature examinée, lorsque la candidature émane du "marché interne étendu". Cela ne concerne donc pas tous les postes, ni toutes les entreprises, ni tous les contrats (CDD/CDI, temps partiel/temps plein). Lorsque le candidat est recommandé par une personne de l'entreprise (ou proche de celle-ci), la procédure de recherche de candidat s'arrête très rapidement. En effet, l'entreprise, qui souhaite limiter le coût du recrutement, "préfère"  les dépenses liées à la recherche intensive d'information sur le(s) candidat(s) sélectionné(s), plutôt que celles liées à la recherche extensive d'information (multiplication des candidatures). La qualité plutôt que la quantité, pourrait-on dire. Bien évidemment, la taille de l'entreprise joue un rôle important sur le nombre des candidatures examinées : "Près d'une fois sur deux, une très petite entreprise [...] n'a qu'un seul candidat par poste (...). Cela reste vrai dans un cas sur quatre pour un établissement de plus de 250 salariés...". Un cas sur quatre, soit 25%. Et plus le poste est à responsabilités, plus de nombre de candidatures examinées progresse.  Derrière cette "bataille" de chiffres émerge un autre problème, celui des réseaux : la famille, les établissements scolaires fréquentés, les lieux de résidence... tous ces lieux où s'échangent des informations sur les postes à pourvoir avant même que ceux-ci n'apparaissent sur les job boards. Il s'agit d'une évidente source de discrimination. "En dehors de la question des jeunes issus des zones urbaines sensibles, on ne trouve rien dans les bilans sociaux et dans les rapports sur la diversité au sujet des origines sociales des salariés" (p 19). J.-F. Amadieu constate, dans de nombreux articles, des discriminations lorsque les origines sociales, géographiques... sont indiquées dans les cv (d'où sa défense de l'anonymisation de ceux-ci), mais voudrait, cependant, que l'on renvoie les salariés à leurs "origines sociales", pas toujours désirées ni bien vécues, au travers de questionnaires pour établir des statistiques. Quelques pages plus loin, nous est présenté un tableau "critères de discrimination à l'embauche selon les Français et les Européens" (critères ressentis donc, ou que l'on pense être à l'oeuvre): pour 67% des Français, le look est un critère de discrimination, suivi de la couleur de peau (64%) et de l'âge (55%). L'adresse (lieu de résidence) est un facteur discriminant pour seulement 19% d'entre-eux. Si nous restons sur cette problématique du réseau, il est évident que celui-ci est un grand pourvoyeur de postes. Est-ce si choquant que cela ? Un commercial, à la recherche d'un poste, qui contacte ses anciens collègues et concurrents, a de fortes chances de connaître l'existence d'un poste à pourvoir dans son domaine avant même que cela soit rendu public. Que celui-ci postule directement, sans attendre la parution d'une annonce, est banal. Le rôle du recruteur est de voir si ce candidat présente le profil adéquat. Pas de refuser une candidature "réseau". D'ailleurs, cela est une habitude dans toutes les professions, y compris (à ma connaissance) dans les milieux universitaires.
"L'entretien de recrutement est utilisé dans la quasi-totalité des recrutements des entreprises du secteur privé. Il s'agit pourtant d'une technique très subjective" (p 44). Un peu comme la démocratie pour Churchill, l'entretien de recrutement est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres. Bien sûr les mises en situation professionnelle peuvent constituer des solutions intéressantes. Mais le boulanger du coin de la rue qui a besoin d'une vendeuse pour quinze jours, va certainement préférer (honteusement) discriminer en faisant passer un ou deux entretiens. Entre le monde des grandes entreprises (très grandes) pour lesquelles l'auteur a travaillé et le boulanger-patissier-chocolatier du coin de la rue, il y a une différence d'objectifs en terme de recrutement. Egalité de traitement, objectivité, scientificité (?) d'un côté, rapidité, facilité, coût de l'autre. Et à ce jour, je n'ai jamais vu de processus de recrutement se finir sans au minimum un entretien. Au moins est-on sûr que mon boulanger n'utilise pas d'autres méthodes douteuses et a-scientifiques pour recruter. Pour J.-F. Amadieu, de très nombreuses entreprises en sont resté au siècle de l'occultisme en matière de recrutement : tarot de Marseille, numérologie, et bien sûr graphologie : "Dans le secteur privé, l'observation de l'écriture était même jusqu'à il y a peu un passage obligé : en 2007, 70% des cabinets de recrutement l'utilisaient" (p 74). Même si l'évolution des NTIC est rapide, il me semblait que, en 2007, on pouvait déjà postuler par e-mail, avec lettre de motivation en "doc.". En tous cas, aujourd'hui, la graphologie ne semble plus avoir cours dans beaucoup d'entreprises. D'ailleurs, la seule fois cette année où l'on m'a demandé une lettre de motivation écrite à la main, il s'agissait d'une administration. Plus sérieusement, la grande majorité des candidatures se faisant aujourd'hui par internet, via les sites, les lettres de motivation ne sont plus manuscrites (le budget timbre des "apporteurs de compétences" a fort heureusement décru en proportion). J.-F. Amadieu cite une enquête sur les pratiques de recrutement, menée par le cabinet OasYs Consultants et le groupe IGS. On peut y lire p. 18 : "Même si environ 70% affirment utiliser l'analyse graphologique, d'après les consultants interrogés, cette pratique tend à diminuer et n'est utilisée qu'à la demande du client" (3). Dès 2007, la graphologie n'avait plus de caractère systématique. Il est intéressant de noter (même s'il n'y a pas de lien) que, dans cette même enquête, 79% des consultants en recrutement interrogés étaient opposés au cv anonyme.
Le chapitre 4 est consacré aux tricheurs et aux menteurs... pas les DRH, les candidats ! Sauf à penser que les DRH sont responsables des tricheries des candidats, on peut légitimement s'interroger sur la présence de ce chapitre. D'autant plus que l'auteur le dit lui-même : "on ne dispose pas d'études scientifiques sur le sujet en France qui permettent de connaître l'étendue des mensonges sur les cv".
Finalement, le chapitre le plus intéressant (selon moi) est celui consacré à la diversité. Le ton est donné dès le titre : "la diversité : un bien étrange engouement" :
"que nous disent les nombreuses études scientifiques étrangères qui étudient cette hypothèse d'un lien entre diversité et performance ? Ces études sont assez nombreuses pour que les chercheurs réalisent des synthèses (dites méta-analyses) de ces multiples observations. Verdict : elles ne permettent pas de conclure que la diversité, quelle qu'elle soit, est toujours un facteur de performance" (p 206).
"Il est absurde de combattre les discriminations avec un argument liant diversité et performance. En effet, on peut aisément trouver de multiples circonstances dans lesquelles la performance d'une entreprise sera meilleure si elle discrimine et n'est pas diversifiée" (p 207).
"Il y a quelques années, les meilleurs chercheurs, rassemblés par Thomas Kochan, professeur au M.I.T., réalisèrent une vaste enquête sur le lien entre diversité et performance [...] son étude va à l'encontre de l'idéologie dominante en montrant que la diversité ethno-raciale dégrade à court-terme la performance" (p. 208).
Pour ceux qui ne seraient pas certains d'avoir compris l'absence de lien entre diversité et performance, je renvoie à la page 209.
Bien évidemment, ce chapitre ne se résume pas aux extraits précédents. La diversité est un thème "à la mode", comme le souligne l'auteur, plus souvent traité par les professionnels de la communication que ceux des RH. Toute mode se démodant, il est à craindre que la réflexion sur la diversité disparaisse au profit d'un nouveau sujet... qu'un sociologue émérite aura fait émerger.

Au final, un livre qui se lit bien, mais qui semble tourner en rond par instant. Et surtout, un autre titre aurait peut-être permis une discussion plus sereine. Même si l'auteur s'en défend, il est difficile pour un responsable des ressources humaines de ne pas se sentir sur le banc des accusés. Pour le public, un tel titre (habituellement vendeur au demeurant) (4) renforce la défiance envers ceux "qui licencient", "pour qui les salariés sont des dossiers"...  Dès lors, je ne suis pas certain que la refondation des RH, voulue par J.-F. Amadieu (5), se fasse avec lui. Une discrimination de plus.


(1) Jean-François Amadieu, DRH, le livre noir, Paris, Le Seuil, 2013, 237 p. 
(2) pour lire les résultats de cette enquête, cliquer ici.
 (3) pour lire ce document, cliquer ici.
(4) Pour rappel, le premier titre à succès fut Le livre noir du communisme, publié en 1997.
(5) "Ce livre, qui se présente comme une critique des dérapages et des insuffisances de nombreuses techniques, n'est donc pas un réquisitoire. Il veut contribuer à la refondation parfois engagée par certains DRH" (p 236). 



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lundi 21 janvier 2013

Ciel, mon URSSAF !


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L'URSSAF fait partie de ces acronymes (1) que tout le monde connait. Beaucoup savent aussi dire à peu de choses près de quoi il s'agit. Mais, dans le détail, cela reste flou. Je propose donc une petite séance de rattrapage pour tous (et pour moi en particulier).

L'URSSAF, c'est l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et Allocations Familiales. Dit comme cela, c'est déjà plus clair. Nous pouvons noter que le "C" de cotisations a disparu afin de rendre l'acronyme plus facile à énoncer.
Les Urssaf ont pour mission de collecter les ressources destinées à financer le paiement des prestations du régime général de la Sécurité sociale : soins médicaux, indemnités d'accident du travail, allocations familiales... Elles perçoivent aussi d'autres prélèvements : la Contribution Sociale Généralisée (CSG), la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS), le Fonds National d'Aide au Logement, les cotisations d'assurance chômage... Il suffit de regarder une feuille de paie pour comprendre leur importance.
Au-delà de cette mission de collecte, les Urssaf assurent aussi des services plus généraux : accompagnement des mesures en faveur de l'emploi, lutte contre le travail illégal, contribution à la prévention des difficultés des entreprises. Ce sont des organismes de droit privé assurant une mission de service public.

Son organisation évolue depuis plusieurs années, abordant aujourd'hui une étape importante.
L'ordonnance de 1945, mettant en place dans ses grandes lignes la Sécurité sociale, imposait à chaque caisse d'assurer elle-même le recouvrement de ses cotisations. Face à la complexité croissante, et par souci d'efficacité, ses caisses firent appel à des organismes spécialisés. C'est le début des Urssaf qui, peu à peu, apparaissent dans les départements. En 1952, une proposition de loi est faite pour généraliser les Urssaf au niveau national. En 1960, un décret "relatif à l'organisation et au fonctionnement de la Sécurité sociale" prévoit la création obligatoire des URSSAF, qui deviennent des organismes de Sécurité sociale (statut). Les Urssaf couvrent l'ensemble du territoire français, se spécialisant parfois (recouvrement des TGE -très grandes entreprises- ; gestion des CESU...). Depuis quelques années, une réflexion était menée pour améliorer l'efficacité des Urssaf. Elle débouche sur une régionalisation : les services supports seront regroupés dans les "capitales régionales" (22 Urssaf régionales en 2014), chaque département gardant ses services d'accueil et de recouvrement. Cette réorganisation devrait être terminée fin 2013. L'objectif est d'atteindre un haut niveau de recouvrement, mais aussi d'améliorer l'accompagnement des entreprises (notamment celles rencontrant des difficultés).

Un mot sur l'ACOSS.
L'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale est la "caisse nationale" des Urssaf, chargée d'assurer la gestion de la trésorerie des différentes branches du régime générale de la Sécurité sociale (CNAM, CNAF...).

Quelques chiffres.
8,5 millions de comptes de cotisants gérés ;
370 milliards d'euros encaissés (chiffres 2010) ;
13 951 salariés en CDI (en 2010)
160 000 contrôles. (2)

Ces quelques éléments nous permettent de comprendre toute la complexité de la situation actuelle : des entreprises exigeantes, car soumises à des impératifs de gestion toujours plus forts, et des Urssaf en pleine restructuration. De quoi alimenter la "légende noire" des Urssaf (si je lis certains sites), en oubliant malheureusement (ou volontairement) la contribution essentielle de ces organismes.


(1) pour ceux qui voudraient parfaire leur culture acronymique, cliquer ici.
(2) pour plus de chiffres, cliquer ici.

samedi 12 janvier 2013

Nouvelle année, nouveau cv.

Pour 2013, un beau cv s'impose. 
Mais le "bon et beau cv", c'est comme le monstre du Loch Ness : tout le monde a son idée sur la question, sans que personne ne l'ai réellement vu.
Pour une première approche qualitative, les conseils trouvés sur le blog "Hauts les coeurs" (Pierre Denier) constituent une bonne base :  cliquez ici.

A vos (nos) stylos !