dimanche 23 octobre 2011

J'embrasse pas mes chefs !

Le manager de proximité, ce rouage essentiel de l'entreprise, a un problème central, pour ne pas dire existentiel, à résoudre. Ce n'est pas tant le fait de devoir expliquer (et faire adhérer à) des décisions parfois difficiles à accepter, ni même celui de devoir garder intacte la motivation des salariés en ces temps d'incertitudes. Non, son problème majeur, souvent négligé par la littérature managériale, c'est celui de la "juste distance" (1) avec les membres de son équipe. La perception de celle-ci n'est évidemment pas la même pour tous, suivant la conception que chacun se fait de l'organisation d'une entreprise et de l'ambiance devant y régner. "Vous n'avez pas de collègues, mais des collaboratrices", m'affirma-t-on un jour, alors que je parlais de mes "collègues". La nuance intègre ici la notion d'autorité. Le manager de proximité, comme les autres managers, a autorité (légitimée par sa position hiérarchique) sur les membres de son équipe, qui, de ce fait, deviennent des collaborateurs (2). Mais, dans le même temps, le manager de proximité effectue bien souvent, au moins en partie, les mêmes tâches que les membres de son équipe, qui redeviennent alors des collègues. Intuitivement, nous pouvons penser que la "juste distance" recherchée est sensiblement différente avec un collaborateur ou un collègue. D'autant plus qu'au-delà de l'aspect sémantique de la question, entre en jeu l'affectivité de chacun : la nécessaire empathie du manager ne lui épargne ni la sympathie, ni l'antipathie, des hommes et des femmes qu'il a sous sa responsabilité. Il doit faire avec, et être juste avec tous les membres de son équipe. Dès lors, collaborateurs ou collègues, tout cela n'a plus guère d'importance, puisqu'il n'est pas le seul à définir cette juste distance. Les membres de l'équipe y participent aussi, chacun à sa manière, avec sa personnalité. Finalement, qu'il ait des collaborateurs ou des collègues, le manager de proximité est considéré avant tout comme le chef. Et comme le disait une collègue, pardon, une collaboratrice, "Moi, j'embrasse pas mes chefs !". Même à distance ?


(1) je reprends volontairement une partie du titre de l'ouvrage très intéressant de P. Prayez et N. Loraux, intitulé "Julie ou l'aventure de la juste distance", éditions Lamarre.
(2) notons qu'il s'agit d'une distinction très contemporaine, si l'on regarde les définitions du Robert : "collaborer vient du latin "collaborare", travailler avec quelqu'un"  et  "collègue vient du latin "collega", celui qui exerce la même charge".




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