lundi 14 novembre 2011

Encerclement et destin

Leonidas aux Thermopyles, Jacques-Louis David (1814)


"L'inexorable encerclement de l'homme a été préparé de longue date, par les théoriciens qui visent à donner du monde une explication logique et sans faille, et qui progressent du même pas que les développements de la technique. On soumet d'abord l'adversaire à un investissement rationnel, puis à un investissement social, auquel succède, l'heure venue, son extermination. Nul destin n'est plus désespérant que d'être entraîné dans cette suite fatale, où le droit se change en arme".
"Avoir son destin propre, ou se laisser traiter comme un numéro : tel est le dilemme que chacun, certes, doit résoudre de nos jours, mais est seul à pouvoir trancher. La personne est toujours exactement pourvue de la même souveraineté qu'en toute autre période de l'histoire ; peut-être est-elle plus forte que jamais. Car, à mesure que les puissances collectives gagnent du terrain, la personne s'isole des organismes anciens, formés par les siècles, et se trouve seule".
Ernst Jünger, Traité du rebelle - ou le recours aux forêts, (1951).

Deux citations de Jünger pour illustrer la schizophrénie du monde actuel, et donc de l'entreprise devenue "l'antichambre de la dépression nerveuse"(1). Taylorisation et management participatif peuvent être vus comme les deux premières étapes de "l'inexorable encerclement". Serions-nous arrivés à l'heure de l'extermination ? A l'opposé de cette vision pessimiste, la recherche d'un espace de liberté (et d'espoir) existe, afin d'avoir "son destin propre". La fameuse Génération Y en est peut-être l'illustration. S'investir, pour son intérêt propre, dans une entreprise et la quitter dès que celle-ci s'avère trop contraignante ; moduler son adhésion en fonction de ce que celle-ci peut apporter ; s'affirmer en tant qu'individu, tout en étant inséré dans de multiples réseaux... Les Ressources humaines sont à la croisée des chemins et vont devoir s'adapter aux nouveaux modes de consommation de cette génération, qui connaît la crise plus que la croissance, la précarité plus que la stabilité, le pragmatisme plus que les idéologies, mais qui, dans le même temps, s'adapte facilement, s'investit pleinement dans les projets auxquels elle croit, crée de nouvelles solidarités en fonction de ses aspirations (et en change en fonction de ses besoins) et plébiscite l'innovation. La question est donc désormais de savoir si les entreprises (actionnaires, PDG,...) donneront aux DRH la liberté nécessaire et les moyens pour y parvenir.

(1) F. Vassal, "Malaises dans les organisations", in L'individu au travail, L'Harmattan, 2002.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire